Galatée (M. Miller)

« STATUE LIVES MATTER » – Galatée n’est pas une nouvelle mais un manifeste. Chacune de ses phrases est une gifle, chacun de ses mots un uppercut d’encre et de papier qui laisse des traces indélébiles. Si, dans les Métamorphoses d’Ovide, la statue se fait chair, sous la plume de Madeline Miller le verbe nait de la statue. Silencieuse chez Ovide, Galatée accède 22 siècles plus tard à la parole et occupe- enfin !- tout l’espace textuel.

Véritable « balance ton séducteur (ou plutôt) sculpteur », la confession de Galatée est une charge puissante et sans concession contre le patriarcat. Comme souvent mal inspirée (on se demande comment Zeus a pu lui confier le ministère de l’amour…), Aphrodite a moins donné la vie à Galatée qu’elle ne l’a livrée à un Pygmalion impérieux, libidineux et en mal de poupée gonflable.

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Un enfant plus tard, le sculpteur s’est lassé de sa création qui manifeste de coupables désirs d’indépendance. Comme l’Olympe n’assure pas le service après-vente et n’échange pas les femmes défectueuses (en l’occurrence douées de pensées et de paroles), Pygmalion a relégué son épouse dans une clinique (psychiatrique ?) où il la contraint -avec la complicité du corps médical- à rejouer à l’infini la scène miraculeuse de son réveil.

Dévoyée et inversée par Pygmalion, cette scène symbolique enferme Galatée dans un espace concentrique, sans cesse rétréci, où les draps se muent en barreaux et où la statue impuissante n’est venue à la vie que pour être (dans tous les sens du terme) « baisée ». Cru, le mot jaillit, pour mieux frapper le lecteur et dire l’esclavage féminin. Car partout dans le monde, en Iran, Afrique, Afghanistan…, des femmes sont transformées -dans l’indifférence générale- en… statues. Alors avec Madeline Miller clamons, disons, répétons et écrivons « Galatée, c’est moi ! ». Parce que toutes les statues du monde ont le droit à la vie et à une vie qu’elles ont choisie.

Galatée – Madeline Miller – Première édition française : 11 janvier 2023 – Calmann-Lévy – 48 pages

En citations et en images

Cliquez sur les photos pour découvrir les citations.

<em>"Après ma naissance, il a essayé de me garder enfermée [...]"</em>
« Après ma naissance, il a essayé de me garder enfermée […] »
<em>"Le problème , c'est que ne ne crois pas que mon époux s'attendait à ce que je sois capable de parler."</em>
« Le problème , c’est que ne ne crois pas que mon époux s’attendait à ce que je sois capable de parler. »
<em>"[...] cela paraît stupide qu'il n'ait pas envisagé</em> que<em> je ne pourrais pas à la fois vivre et être une statue. Même moi qui ne suis née que depuis onze ans, je le sais."</em>
« […] cela paraît stupide qu’il n’ait pas envisagé que je ne pourrais pas à la fois vivre et être une statue. Même moi qui ne suis née que depuis onze ans, je le sais. »
<em>"En vérité, il n'avait aucune chance. Il n'était que chair. Nous sommes tombés à travers les ténèbres [...]. J'ai songé à Paphos, à son intelligence,  j'ai songé à sa soeur de pierre, paisible sur sa couche."</em>
« En vérité, il n’avait aucune chance. Il n’était que chair. Nous sommes tombés à travers les ténèbres […]. J’ai songé à Paphos, à son intelligence, j’ai songé à sa soeur de pierre, paisible sur sa couche. »

Brèves considérations sur Galatée et ses soeurs de littérature à venir 🙂

Pas beaucoup de temps en ce moment pour les chroniques (snif !).

2 commentaires

  1. J’aurais voulu écrire ce commentaire ! J’adhère totalement à ton analyse. Bravo ! Et quelle qualité de photos !

    • Merci ! Je suis très touchée😊
      En gommant la plupart des références spatio-temporelles du mythe, Madeline Miller est parvenue à transformer Galatée en une figure puissante et étonnamment moderne qui défend la cause des femmes en mots mais aussi… en actes. Impossible de ne pas être touchée par cette nouvelle, par ces mots qui malmènent la lectrice ou le lecteur et l’amènent à vivre et penser à travers Galatée. Ce livre est un véritable manifeste rédigé pour toutes celles que l’on a privé de leur voix. Pendant toute ma lecture, j’ai pensé aux femmes iraniennes et afghanes…

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