Kerfol (E. Wharton)

Les fantômes naissent dans les livres ! Les draps blancs entraperçus au détour des corridors ne sont que l’éclat fugitif d’une page tournée…

En 1 871, Edith Wharton a 9 ans. Atteinte d’une fièvre typhoïde, la petite fille erre aux confins de la vie et de la mort… Sauvée in extremis par un changement de traitement, elle fait une brusque rechute due… à la lecture d’un livre de voleurs et de fantômes. L’au-delà est revenu chercher Edith en empruntant le blanc passage des pages blanches.

L’écrivain en devenir finira par se rétablir mais pendant de nombreuses années une angoisse diffuse la poursuivra. Les portes fermées qui ne s’ouvrent pas assez vite la terroriseront ainsi que tous les ouvrages gothiques et fantastiques tapis sur les étagères de sa bibliothèque. Derrière elle, Edith sent une “sombre menace mystérieuse” qui la pourchasse inlassablement…

Pour empêcher ce déferlement de forces obscures, la toute jeune femme se livrera (un comble pour un écrivain !) à des autodafés de romans fantastiques comme on fait sauter les ponts pour empêcher l’ennemi d’arriver jusqu’à vous et de troubler vos nuits et votre vie.

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Ces autodafés nocturnes demandaient réparation ! Edith s’est acquittée de son amende en mots sonnants, trébuchants et… angoissants. Ses 11 nouvelles fantastiques sont autant de réécritures de grands thèmes classiques ou gothiques, rédigés à l’encre de ses cauchemars enfantins.

Dans ces courts récits, on croise les habituels (et moins habituels) fantômes, vampires, sorcières ou doppelgängers. Mais ce petit monde fantastique est passé à l’électricité et est singulièrement empêtré dans des imbroglios financiers (“Après coup” et “Le Triomphe de la Nuit”). On s’occupe comme on peut dans l’éternité ! Une touche de modernité bienvenue qui fait sans doute écho aux préoccupations financières du milieu aisé qu’Edith fréquentait.

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Classiques, ces nouvelles tirent leur charme d’une sensibilité très personnelle tant il est vrai qu’elles sont littéralement hantées par un motif discret mais récurrent. Dans les “Ghosts stories”, les seuils, livres, lettres et journaux ouvrent sur des dimensions inquiétantes. La peur chez Edith Wharton est étroitement liée au franchissement et à la disparition…

Car, au fond, le fantôme que personne ne voit mais qui hante pourtant ces 11 nouvelles fantastiques est une petite fille de 9 ans souffrante, effrayée et angoissée se débattant, toute seule dans des draps blancs, froids, et essayant désespérément d’échapper à la mort. Comme les manoirs, certains livres sont hantés : leurs fantômes veulent juste être vus -ou plutôt lus-. Avis aux lecteurs-mediums : vous êtes les bienvenus !

Au sujet des éditions : voir les considérations figurant dans l’encart ci-dessous.

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LE LIVRE DE POCHE : pour une première approche
  • Une présentation détaillée et éclairante de Jean-Pierre Naugrette.
  • La reproduction du fragment autobiographique dans lequel Edith Wharton évoque l’épisode traumatique de sa fièvre typhoïde mais qu’elle jugera ensuite sans doute trop intime pour le publier.

Seules 5 des 11 nouvelles publiées dans les Ghost stories (New York – Appleton-Century – 1937) figurent dans Les Classiques de Poche. Il s’agit donc d’une édition lacunaire, idéale pour une première découverte des textes fantastiques de l’auteur mais qui laissera les inconditionnel(le)s d’Edith Wharton quelque peu frustré(e)s d’autant plus que le choix des nouvelles semble quelque peu aléatoire…

EDITIONS JOELLE LOSFELD : pour découvrir l’intégralité des nouvelles fantastiques
  • Ces deux tomes regroupent l’intégrale des nouvelles fantastiques d’Edith Wharton. Parcourir ces 11 récits revient à explorer toutes les pièces d’un manoir hanté. Au terme de sa visite, le lecteur a une meilleure vision d’ensemble. Les thématiques et motifs récurrents sortent de l’ombre et tels des fantômes en mal de compagnie se manifestent 🙂
  • Le volume 1 reproduit la préface qu’Edith Wharton avait rédigé pour ses Ghost Stories tandis que le volume 2 commence par le fragment autobiographique consacré au terrible épisode de la typhoïde.

Aucun appareillage critique n’est proposé (repère biographique, notes, bibliographie…). La lectrice ou le lecteur qui a la chance de rencontrer pour la première fois cette grande Dame des lettre américaines, en sera réduit(e) à faire des recherches en ligne.

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