Vienne au crépuscule (A. Schnitzler)
Vienne au crépuscule est un titre trompeur qui projette son ombre diffuse sur le titre originel : Der Weg Ins Freie/Le Chemin de la Liberté à moins que, comme un négatif, il ne révèle un autre aspect de cette œuvre dense et profonde : son atmosphère prenante, envoûtante, ses clairs obscurs mystérieux et désenchantés.
Tout dérive dans ces pages superbes où, à peine nés, les amours se consument, vampirisés par l’afflux des souvenirs et des passions défuntes. Le passé envahit le présent, l’approfondit avant de le nimber d’un sentiment de perte irrémédiable. Les minutes sont belles de toute leur fragilité, poignantes parce que déjà assiégées par le futur.
“Comme dans un rêve confus, délicieux, il se crut enfant aux pieds de sa mère, et cet instant se transmua en souvenir, un souvenir lointain, douloureux, au moment même où il le vécut.”
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Dans le miroir du passé
Roman d’apprentissage paradoxal, Vienne au crépuscule parle moins de prémices que de fins. A l’orée de sa carrière, Georges de Wergenthin semble moins tourné vers l’avenir que vers des souvenirs dont il ne peut se détacher.
A l’instar du narrateur de la Recherche du Temps perdu, sa conscience est assiégée par des réminiscences qui envahissent tout l’espace textuel. Mais la tonalité de Vienne est nettement plus sombre. On rechercherait en vain une épiphanie artistique qui serait une véritable victoire sur la mort et le temps. Dans Vienne au crépuscule, l’art est consolation pour ses adeptes mais damnation pour les artistes qu’il vampirise.
“[…] il ressentit de nouveau un bonheur parfait comme toujours lorsqu’il écoutait de la belle musique sans penser qu’il voulait souvent s’imposer lui-même comme créateur. De tous ses rapports avec son art bien-aimé, il n’en restait qu’un en de tels instants, pouvoir l’accueillir avec une compréhension plus grande que quiconque.”
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Arthur Schnitzler (1862 – 1931)
ECRIVAIN ET MEDECIN JUIF AUTRICHIEN – Attiré par les “faubourgs de l’âme”, Schnitzler explore dans ses oeuvres les rapports complexes entre Eros et Thanatos. Ses ouvrages feront scandale et lui vaudront l’admiration de Freud. Reste que malgré son intérêt pour les concepts de pulsions et d’inconscient, Schnitzler (qui était incapable de résister à ses admiratrices et en faisait systématiquement ses maîtresses) y voit surtout une excuse facile pour tous ceux qui refusent d’assumer leurs actes et leurs désirs. Comme quoi on peut être tout à la fois volage et moraliste !
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Valse funèbre
Perte du père, perte précoce de la mère (qui semble conditionner le rapport de Georges aux femmes comme si l’amour ne pouvait s’épanouir que dans l’éphémère ou la chronique d’une séparation annoncée), suicide d’un ami : la mort est omniprésente chez Schnitzler. Un même cortège funèbre accompagne Henri Bermann, ami de Georges et romancier aussi torturé que lucide et talentueux .
Tous ces fantômes semblent annoncer la chute de l’empire austro-hongrois et la disparition d’une Vienne fin de siècle, lumineuse et moderne, tournée vers les plaisirs, l’art et les mondanités mais guettée par la décadence. Vienne se désagrège inexorablement sous l’effet conjugué du nationalisme et du violent poison de l’antisémitisme.
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Sur les saisons fiancées / J’écris ton nom
Dans ce monde en mutation, le “moi” de Wergenthin, assailli par des aspirations et des passions contradictoires, se cherche, s’aveugle, se fourvoie avant d’inexorablement se retrouver… Musicien dilettante, Georges compose moins une partition musicale qu’un solo égoïste, un Chemin de la liberté égotiste et solitaire.
“[…] il le savait maintenant plus fortement qu’il ne l’avait jamais su – qu’il voulait être libre.”
Crépuscule d’une société brillante, antisémitisme, nationalisme mortifère et individualisme forcené : toute ressemblance avec notre époque ne saurait être que fortuite. L’histoire des pays, comme la mode, est un éternel recommencement… Si seulement on pouvait rester démodés !
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Vienne au crépuscule – Arthur Schnitzler – Première édition : 1908 – Mon édition : Stock (2003) – Traduction de l’allemand par Robert Dumont – 480 pages
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D’un ouvragecrépusculaireromantiquetragiquecritiqueà l’autre…
LES MAIA – J. M. Eça de Queiroz
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Il est des livres qui semblent se répondre par delà les frontières. Dans Vienne au crépuscule et Les Maia, Arthur Schnitzler et Eça des Queiroz portent respectivement sur Vienne et Lisbonne un regard aussi critique que fasciné. Profondément attachés à leur pays, ils en perçoivent avec acuité toutes les compromissions et les faiblesses. Leur critique sociale est féroce, cruelle mais toujours lucide. La réflexion sur l’art tient une place importante dans ces deux grands romans qui s’organisent chacun autour de deux personnages centraux qui sont des doubles symboliques de leur auteur :
1 -un aristocrate dilettante (Georges de Wergenthin/Carlos da Maia) dont les histoires de coeurs meublent l’ennui élégant.
2 – un écrivain brillant et torturé (Henri Bermann/João da Ega) jouant les seconds rôles mais qui, en réalité, apporte au roman toute la profondeur qui manque à l’aristocrate.
Les Maia – J. M. Eça de Queiroz – Première édition : 1888 – Mon édition : Chandeigne (juin 2020) – Roman traduit du portugais par Paul Teyssier – 815 pages
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DANS LES COULISSES… ou plutôt la cuisine !
Le shooting de Vienne au crépuscule a été un rien gourmand et a réveillé les papilles de mon entourage !
Créé en 1 832 par Franz Sacher, le plus célèbre des gâteaux aux chocolat autrichiens n’en a pas fini de faire fondre tous les gourmands du monde ! Je vous révèle la recette familiale (et allégée) de ce classique incontournable :
INGREDIENTS
- 3 barres de chocolat noir
- 130 g de beurre
- 3 oeufs
- 130 g de sucre
- 160 g de farine
- 1 paquet de levure
- 3/4 d’un pot de confiture d’abricot
+ prévoir pour le glaçage 100 g de sucre glace, 50 g de chocolat noir, 1,5 cuillère à soupe d’eau
- Faire fondre à feu doux les 3 barres de chocolat noir et les 130 g de beurre.
- Ajoutez les 3 oeufs.
- Versez votre préparation dans le saladier où vous avez préalablement mélangé les 160 g de farine, les 130 g de sucre et le paquet de levure. Brassez énergiquement. Il faut que votre pâte respire et que de jolies bulles se forment en surface. Pâte qui bulle, pâte heureuse 🙂
- Versez la préparation obtenue dans un moule de 20 à 24 cm de diamètre au fond duquel vous avez placé du papier sulfurisé. Avant d’enfourner, assurez-vous que votre four a atteint les 160 °. Faites cuire pendant 20 à 25 mn, à 160°.
- Une fois que votre gâteau a refroidI , coupez-le au milieu et étalez sur la partie inférieure une généreuse couche de confiture d’abricot. Refermez le gâteau et laissez reposer toute une nuit pour que les notes d’abricot infusent. Attention ! ne placez surtout pas votre gâteau dans votre frigo, vous n’arriveriez pas à le glacer.
- Préparez votre glaçage (faites fondre à feu doux 50 g de chocolat avec 100 g de sucre glace et 1,5 cuillère à soupe d’eau), Recouvrez-en votre Sacher Torte et lissez avec une lame plate.
Une analyse d’une telle qualité donne inévitablement envie d’augmenter sa PAL (et là je mets un bémol à mon enthousiasme) et de tester cette recette alléchante (pas de bémol 😉).
Beau travail illustré de très belles photos.