Comme une valse (D. Parker)
Quand on a l’oreille sociale absolue, la vie est irrésistiblement drôle mais aussi irrésistiblement… triste. La mélodie vous charme, les fausses notes vous blessent, l’orchestre divague et joue à contretemps. Comme une valse entraîne le lecteur dans l’univers lucide, drôle, grinçant et un rien cynique d’une Dorothy Parker qui avait eu la malchance de naître avec de l’esprit !
Irrésistibles et meurtrières, ses nouvelles font revivre, à coups de plume -ou plutôt de griffes- le New York mondain et futile de l’entre-deux guerres. Véritable écrivain-tueur à gages, celle que l’on surnommait « The Wit » (L’esprit) n’écrit jamais à blanc. Son encre est létale et ses descriptions incisives ne ratent jamais leur cible !
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Rien ne saurait […] abattre [les bonnes âmes]… les voilà qui reviennent avec leurs petits cadeaux, leurs petits conseils, leurs petites tentatives pour se rendre utiles, brûlant apparemment de se faire maltraiter. Oui, sans aucune doute là-dessus : leur récompense les attend dans l’autre monde. Si seulement elles pouvaient déjà y être !
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Seul(e) au milieu de tous
Pourtant ses nouvelles ne sont pas exemptes d’empathie. Par la grâce d’une écriture intensément vivante, de la focalisation interne, du style indirect libre ou de dialogues rédigés sur le vif, Dottie semble comprendre autant qu’elle les stigmatise ses (coupables) victimes.
Sous la plume de cette féministe convaincue, les femmes sont vaines, égoïstes et les hommes aussi hâbleurs qu’insensibles ne valent pas beaucoup mieux. On valse seul(e) dans l’œuvre de Dorothy Parker… Chacun suit sa propre trajectoire, jalonnée de déceptions, de frustrations et de naufrages.
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“C’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt.” (Marguerite Yourcenar)
Pour Dottie, la lucidité était une malédiction qu’elle oubliait à coups de nouvelles assassines, de mots d’esprit et de cocktails trop alcoolisés. Celle qui « […] riait avec des larmes dans les yeux. » comme le dit joliment Dos Passos était éprise de vérité. Engagée contre le racisme, le maccarthysme et le nazisme, la jeune femme fut souvent incomprise et vilipendée.
Aujourd’hui Dottie s’élèverait contre le wokisme et s’attirerait les foudres de tous ceux qu’elle défendrait sans pour autant s’interdire… de les critiquer. Trop en avance pour le début du XXème siècle, Dorothy Parker l’est également pour notre XXIème siècle susceptible. Tant il est vrai qu’il est fatigant d’être un esprit libre et brillant.
Comme une valse – Dorothy Parker – Première ’édition française : Julliard (1989) – Mon édition : 10 X1 8 (1er février 1992) – 283 pages
Dorothy PARKER (1893 -1967)
Une vie
comme un roman
“Titanic” Life
J’ai fait un rêve…
Et The Wit fut
Jamais tranquille !
La mort est très surévaluée… Même sous la forme de cendres, Dorothy Parker a poursuivi une existence aventureuse et mouvementée ! “Oubliée” sur l’étagère d’un notaire à qui personne ne la réclamait, l’urne de Dottie a été recueillie au bout de 21 ans par la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) qui crée pour l’occasion un joli mémorial qui… faute d’entretien, finit par tomber… en désuétude. En 2020, les cendres de Dottie arrivent enfin au Cimetière de Woodlawn dans le Bronx où, aux dernières nouvelles, elles séjournent encore. A quand le prochain chapitre 🙂 !?
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