Blackwater – La Crue 1 (McDowell)

Impossible de résister à Perdido ! Dès que j’ai reçu le courrier de l’Hôtel Osceola, venu tout droit du passé et mandaté par « la maison d’édition de qualité Monsieur Toussaint Louverture », j’étais perdue ! Les indices inquiétants étaient pourtant là : un courrier daté du 10 avril 1920, une ville qui porte un nom digne du triangle des Bermudes (Perdido signifie « perdu » en espagnol…), un directeur d’hôtel qui vous vante un séjour dont vous pourriez bien ne plus pouvoir revenir, une rivière où il est déconseillé de nager « sinon […] vous mourriez bel et bien et on ne reverrait jamais votre corps », une carte postale représentant Perdido dévastée par l’inondation d’avril 1919… Une lectrice respectable aurait passé son chemin et attrapé un Zola ou un Balzac mais j’ai bien peur de n’avoir jamais été une lectrice respectable… J’ai donc décidé de tromper mes Pléiades avec un Paper Back et réservé 6 nuits à l’hôtel Osceola.

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6 nuits pour 6 livres traduits pour la toute première fois en France et proposés en poche sous forme de feuilleton (du jamais vu dans l’hexagone depuis La Ligne Verte !) au rythme d’un roman tous les quinze jours. Les éditions Toussaint Louverture sont impitoyables (vous allez lire vite, très vite !).

Car loin d’être un simple récit fantastique ou horrifique, Blackwater est une œuvre fleuve qui déborde le lit étroit des genres littéraires. Dans cette vaste saga familiale, les scènes fantastiques, loin d’être gratuites, sont des reflets déformés et tangibles des violences psychologiques exercées par la famille.

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Ivey lui avait dit que quelque chose qui, dans la journée, se terrait dans le sable en sortait la nuit pour s’asseoir au fond de l’eau en attendant que les animaux soient entraînés à la base de ce siphon. Mais ce que cette créature préférait, c’était les gens.

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Si, selon la légende, un monstre tapi au confluent des rivières Perdido et Blackwater se repaît des enfants, les femmes de la famille Caskey sont des « louves » autrement dangereuses et dévorantes. La crue a fait remonter quelque chose de monstrueux et de sinistre, des peurs et des secrets familiaux profondément enfouis.

« Il arrive aussi que les enfants ne soient jamais mis au courant, même une fois adultes. Certains secrets sont destinés à mourir. »

« Il y a quelque chose de pourri au royaume de [Perdido]. » (Shakespeare). Arrivée avec la crue, Elinor Dammert, aussi séduisante qu’inquiétante, pourrait bien rebattre, par-delà le temps, les cartes de la famille Caskey. Le jeu de la dame ne fait que commencer…

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Blackwater – 1. La Crue – Michael McDowell – Première édition américaine : 6 livres publiés entre janvier et juin 1983 – Mon édition : première édition française – Monsieur Toussaint Louverture – 7 avril 2022 – 256 pages

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Un rendez-vous littéraire à ne pas manquer

Les Editions Toussaint Louverture est une maison à part qui publie là où on ne l’attend pas ! Toute oeuvre bénéficie d’un packaging digne d’une maison de haute couture et d’une compréhension rare. On sent que chaque livre publié a été lu et relu, aimé, compris et analysé. Pas de littérairement correct chez Toussaint Louverture, seulement de la vraie Littérature ainsi que de vraies prises de risques.

Dernière gageure : la publication d’un paper back d’une oeuvre publiée directement en livre de poche et qui, malgré un succès foudroyant dès sa parution en 1983, est considérée aux Etats-Unis comme un roman de genre, étiqueté fantastique/horrifique. De quoi faire reculer un certain nombre d’éditeurs… Il fallait un certain cran littéraire pour se lancer dans l’aventure et réhabiliter au passage un immense écrivain : Michael McDowell (1950 – 1999).

Parce que les Editions Toussaint Louverture ne se prennent pas au sérieux, elles proposent une approche de la littérature juste, sérieuse, moderne et fondamentalement différente et surtout… VIVANTE. Parce que la littérature se vit dans l’instant, viscéralement, totalement, sauvagement. Peu importe le genre du texte proposé, peu importe le regard de la société, peu importe la première réception d’une oeuvre : lire c’est assumer ses préférences et ses intérêts et aller contre les préjugés. Les Editions Toussaint Louverture le font magnifiquement. Merci à Dominique Bordes.

Prêt(e)s à vous engager pour une littérature VIVANTE ?!

Site des Editions Toussaint Louverture

BLACKWATER
La saga de la famille Caskey

Michael McDowell
(1950 – 1999)

Traduction : Yoko Lacour
Design (couvertures) : Pedro Oyarbide

RETROUVEZ LES MINI CHRONIQUES DE NANILI !
Blackwater – 2. La Digue / Blackwater – 3. La Maison / Blackwater – 4. La Guerre

2 commentaires

  1. « Fantastique, horrifique » ? Pas ma tasse de thé… et pourtant, ces étonnantes couvertures de Poches et tes très belles photos font très envie… Dilemne…

    • Impossible de résister aux couvertures de Pedro Oyarbide ! Elles sont non seulement magnifiques mais également intelligentes et signifiantes. Leurs moindres détails renvoient au roman. Comme les façades des cathédrales, elles sont porteuses d’un message. En fait, elles constituent un résumé visuel de Blackwater. La comparaison est d’autant plus intéressante que l’art chrétien avait développé une imagerie de l’enfer et des démons que l’on peut assimiler à de véritables ouvrages d’horreur avant la lettre ! Mais comme dans l’art chrétien, les représentations angoissantes présentes dans « La Crue » sont bien moins gratuites qu’on peut, a priori, le penser. Les touches de fantastiques et les scènes horrifiques du roman sont au service du message psychologique. Au fond, Blackwater est moins un roman de genre qu’une saga familiale et (peut-être) une manière pour Mickael McDowell de régler ses comptes avec son enfance. Bref ! Il ne faut surtout pas s’arrêter à l’étiquette « roman de genre » :), Blackwater est tout simplement une grande oeuvre.

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