Coraline (N. Gaiman)

MONSTRE ES-TU LA ? – Halloween rime avec Coraline ! Alors que le soir se fait plus insistant, que la nuit se manifeste plus tôt, les monstres sortent de leurs placards. Des peurs ataviques resurgissent. Pour les affronter, les livres de contes sont les meilleurs des grimoires ! Réceptacles d’une sagesse ancestrale, ils regorgent de formules magiques à la portée des plus petits comme des plus grands.

LES CONTEURS SONT PARMI NOUS – Et comme le conte n’est jamais là où on l’attend, il a fait, grâce à des auteurs comme Neil Gaiman, récit neuf. Exit les haillons, les robes de bal et les chaussures de verre/vair ! Coraline porte un jean, des bottes en caoutchouc jaunes et même un pyjama ! Un zeste de modernité qui, sans trahir l’essence même du conte, démontre que le « il était une fois » est en réalité un « il était toujours ».

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A PROPOS DE L’HISTOIRE – Certaines maisons sont uniques et ressemblent à des livres ! Il suffit de pousser leurs portes, comme on tourne les pages d’un ouvrage, pour se retrouver miraculeusement emporté(e) dans un univers magique. La toute nouvelle maison de Coraline fait partie des ces demeures mystérieuses qui ouvrent sur des dimensions alternatives. Parce que ses parents sont très occupés, la petite fille qui se sent délaissée se transforme en exploratrice et décide de sonder les mystères d’une porte ouvrant sur un mur de briques. Mais certaines portes ne sont faites que pour s’égarer… ou se confronter à la monstruosité…

Lira ou lira pas ?

Ce livre est pour vous si :

  • vous êtes un adulte aussi courageux qu’un enfant ou un enfant entre 10 et 125 ans. Conte horrifique, Coraline n’est pas un livre à laisser entre toutes les petites (et grandes) menottes sous peine de cauchemars garantis et de nuits compliquées pour… les parents !
  • la soirée est sombre et grise, que les ombres s’allongent. Sous un plaid, au coin du feu, qu’il est bon de déguster un thé ou un chocolat chaud tout en frissonnant délicieusement ! L’angoisse est une épice comme une autre ou plutôt plus forte qu’une autre !
  • vous vivez une relation toxique. Les murs aveugles ne sont pas une fatalité. On peut les traverser. Toute impasse possède une échappatoire. Tout est une question de regard.

«  Elle vous prendra votre vie, tout ce que vous êtes, tout ce à quoi vous tenez, et en lieu et place ne vous laissera que brume et brouillard. Elle vous prendra ce qui fait votre joie. Et un beau matin, vous vous éveillerez pour constater que votre cœur et votre âme ont disparu. Une coquille vide, voilà ce que vous serez devenue -à peine une volute, si fait ; guère plus qu’un rêve à l’instant de l’éveil, ou le souvenir d’une chose oubliée. »

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Coraline, c’est moi !

Les enfants ne s’y sont pas trompés et se sont tous transformés en Coraline qui, après avoir exploré le jardin puis -mauvais temps oblige- la nouvelle maison de ses parents, va explorer… ses propres peurs. Une attitude courageuse qui l’amène dans un monde parallèle plus proche de Stranger Things que d’Alice au Pays des Merveilles. A la frontière du conte noir pour « plus de 18 ans » Coraline fonctionne comme un rite de passage vers l’âge adulte. Véritable couteau suisse psychologique, ce roman très « dark fantasy » est un guide de survie dans le monde hostile et effrayant des adultes. Si Coraline -aussi petite et démunie soit-elle- peut affronter l’autre mère, protéger ses parents et vaincre ses propres peurs, elle n’a aucune raison de craindre la rentrée scolaire ou même l’avenir. A tout problème, il y a une solution et à toute angoisse, un conte !

L’amour ou le grand soupçon

Reste qu’au cœur de tout conte réside un dragon représentant un principe maléfique et inquiétant. Loin d’être blanches, les pages de Coraline ont été rédigées sur du papier vergé sombre. Car tout est illusion d’optique dans ce texte complexe dont la véritable signification s’adresse avant tout à l’inconscient de l’enfant. Lire ce conte horrifique revient à s’enfoncer dans l’essence même du mal, un mal d’autant plus complexe et difficile à appréhender qu’il se nomme AMOUR. Parce que l’amour est l’essence même de la vie, il est difficile d’accepter et de conceptualiser ses formes dévoyées. La plupart des livres d’enfants sont écrits en noir et blanc. Neil Gaiman a fait le pari du gris, de cette couleur équivoque, plus dangereuse que le noir car plus difficile à discerner.

Open your eyes

Selon Cocteau « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. ». Encore faut-il se méfier de preuves ! Derrière un rempart de cadeaux, d’attentions et de sourires, un monstre peut se tenir en embuscade. Certains présents ne sont faits que pour endormir votre méfiance, vous empêcher de regarder la vérité en face et vous coudre des boutons à la place des yeux. Affamée, l’autre mère -qui est une métaphore de la mère dévorante et du pervers narcissique- hypnotise ses victimes pour mieux les vider de leur être et les dévorer. Heureusement que dans cette nouvelle « guerre des boutons », Coraline est armée d’un caillou percé ! Une arme défensive à la disposition des enfants mais aussi des adultes ! Pour le mode d’emploi, consultez Coraline !

Anecdote

« Sur les murs de mon ennui / J’écris ton nom » (Paul Eluard)

Les portes ouvrant sur une jolie pièce, un débarras ou un paysage bucolique sont très surfaites ! Dans leur encadrement tout est déjà donné et écrit. Une porte aveugle est autrement plus intrigante ! Véritable défi pour l’imagination, elle offre à l’enfant solitaire une page blanche sur laquelle il peut dessiner ses rêves. A 5, 6 ans, le petit Neil Gaiman a eu la chance de tomber nez à nez avec une porte ouvrant sur un mur. Cette muse improbable lui a ouvert en grand les portes de l’écriture. Car la nuit, bien au chaud dans son lit, le petit Neil traversait les pierres pour rejoindre des mondes parallèles. Aux alentours des années 2000, cette porte mystérieuse a déménagé, en grand secret, chez Coraline et a donné naissance à l’un des plus grands classiques de la littérature enfantine ! Elle fait également des apparitions dans Stardust et Neverwhere. Comme quoi on peut être une porte aveugle, être véloce et avoir la bougeotte !

Coraline – Neil Gaiman – Date d’édition : Etats-Unis, HarperCollins Publishers (1ère édition – 2002) – Mon édition : Albin Michel – Illustrated édition (30 septembre 2020 ) – 176 pages

DU LIVRE AUX DESSINS

A chacun sa « Coraline »

Elle ressemble à toutes les petites filles de 9 ans et pourtant… elle est à nulle autre pareille ! Avec sa chevelure neigeuse, la Coraline dessinée par Aurélie Neyret fait songer à une Daenerys enfantine qui, à défaut de dragons fidèles, pourra compter sur l’aide indéfectible d’un chat dédaigneux et un rien caractériel. Auréolée de sa tignasse blanche, la silhouette gracile de la petite fille vient illuminer la noirceur du conte de Neil Gaiman et les illustrations inquiétantes de la dessinatrice des Cahiers de Cerises. Avec du courage, tous les mondes à l’envers peuvent être repoussés et renvoyés à leur vacuité.

CAHIER GRAPHIQUE

Promenade dans un livre

Epigraphe

« […] les dragons peuvent être vaincus. »
Chesterton

Page 22

« Surtout, fais bien attention à ne pas te perdre, hein ? »

Page 23

« Coraline s’enfonça dans les jardins nappés de brume. »

Page 79

« Ce n’était pas une brume humide […]. En fait, Coraline avait la sensation d’avancer dans le néant. »

Page 128

« Je ne tiens pas à obtenir tout ce que je veux, moi ! Personne n’y tient. Enfin, pas vraiment. Ce ne serait pas drôle si tout tombait tout cuit […] »

Page 114

« Car c’était vrai, cette femme l’aimait. Mais elle l’aimait comme l’avare aime l’argent, comme le dragon conserve son or. »

Blog officiel

Neil Gaiman donne rendez-vous à tous ses fans en ligne -mais aussi en mots- puisque son blog perso abrite un journal très 2.0 ! Entrez dans la confidence !
C’est par ici

Citation

« Le courage, c’est quand on a peur mais qu’on y va quand même. »
Coraline

2 commentaires

  1. Ça ne rate guère, une fois de plus ta chronique me donne envie de découvrir l’ouvrage présenté et j’ai hâte de faire la connaissance de cette petite Coraline qui suscite de si belles photos et un commentaire, encore une fois très attractif et… énigmatique. Ton petit mannequin est si réussi que je l’identifie complètement à Coraline. Quelle est cette jolie poupée ? On la trouve facilement ?
    Merci++++ pour tes Belles Chroniques. Chaque nouvelle parution est pour moi un plaisir renouvelé. 😃

    • Merci pour ce gentil message ! Heureusement que les écrans interposés permettent de rougir en toute intimité 😊🙂🙃 ! Je suis sûre que Coraline est prête à t’ouvrir les portes et les chapitres de son domaine et qu’elle sera ravie de faire ta connaissance. C’est une petite fille curieuse et aventureuse ! Je vais transmettre tes compliments à Pippa-Mint la poupée Blythe. Elle est d’autant plus ravissante que sa face-plate a été sculptée et peinte par la talentueuse Ninimoon. Pour les Blythe dolls, la vie n’a pas été un long fleuve tranquille ! Elles ont été créées, en 1972, par Allison Katzman mais leur production a été arrêtée au bout d’un an, les petites filles ayant obstinément boudé cette poupée un peu trop en avance sur son temps ! Dur, dur de détrôner Barbie 🙂 ! Heureusement qu’à la fin des années 90 la photographe new-yorkaise Gina Garan s’est prise d’affection pour les Blythe et en a fait ses mannequins préférés. Au Japon, l’engouement a été immédiat et la société Takara a racheté la licence des ces petites poupées sympathiques (Blythe vient du moyen anglais et signifie joyeux, gentil, gai, plaisant). En France, peu de magasins les commercialisent mais il est facile d’en acquérir en ligne sur le marché asiatique !

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