Pamela (Richardson)

DENONCE TON GENTILHOMME – Parcourir les premières pages de Paméla est toute une aventure en soi. Le style désuet, les propos et observations édifiants qui émaillent tout le roman peuvent provoquer un choc thermique -ou plutôt socio-littéraire- déroutant. Mais si vous êtes un lecteur « tout terrain », aussi à l’aise avec la prose moderne qu’avec les alexandrins ou les circonvolutions du XVIIIème ou du XIXème siècle, Paméla est un roman pour vous. Et une fois passés les premiers chapitres, vous serez surtout frappé(e) par l’étonnante modernité de cette œuvre.

Car Paméla parle tout simplement de harcèlement sexuel. Et comme l’héroïne n’a pas de comptes Facebook ou Instagram, elle écrit des lettres à ses parents. En 2021, elle bombarderait ses copines de SMS et tournerait des vidéos sur Tik Tok. Et elle serait une influenceuse hors pair ! En moins d’1 an, Paméla a été réédité 5 fois ; des chapeaux, des éventails ou des tasses à son effigie ont même fait leur apparition. Bref, au XVIIIème, plus tendance que Paméla, tu meurs !

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A PROPOS DE L’HISTOIRE – Elle est belle, vertueuse et pleine d’esprit ! A la mort de sa maîtresse, Paméla est une jeune servante de 15 ans, aimée de tous et un peu trop de son nouveau maître ! Bientôt elle doit subir ses assiduités inopportunes. Mais Paméla est bien décidée à lui résister et à conserver sa vertu. Plume à la main, elle narre ses malheurs avec verve et spontanéité. Paméla est une curiosité vintage qui vaut vraiment le détour littéraire !

Lira ou lira pas ?

Ce livre est pour vous si :

  • vous êtes fan des vieux best-sellers, que vous aimez leur musicalité unique, qui vous « prend comme une mer » et vous permet de remonter le temps.
  • vous avez envie de parcourir un livre aux accents féministes et démocratiques avant l’heure.
  • l’archéologie littéraire fait partie de vos passions et que vous avez suffisamment de patience pour découvrir, page après page, un monument de la littérature qui a représenté un tournant majeur dans l’histoire du roman anglais.

« Non, de grâce, Monsieur, lui dis-je, ne vous fâchez pas contre moi ; ce n’est pas moi qui vous flétris, je ne fais que dire la vérité. »

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Shéhérazade, c’est moi

Le succès du livre tient en grande partie à sa forme épistolaire qui permet de vivre « en live » toutes les aventures de Paméla et d’avoir accès à ses pensées les plus intimes.  Car l’héroïne a reçu, grâce à sa défunte maîtresse, une éducation au-dessus de sa condition. Elle aime lire et tenir la plume. Les mots sont ses armes favorites. Ses lettres font trembler MB qui aimerait la séduire mais… sans publicité. Dans le même temps, la prose de Paméla l’ensorcelle. Telle Shéhérazade, la jeune femme le charme par les récits qu’elle rédige. De lettres volées, en lettres perdues ou enterrées, Paméla repousse l’instant fatidique.

Au fond, le message de Samuel Richardson est étonnamment moderne : l’éducation permet aux femmes (mais aussi aux hommes) de revendiquer leur liberté et favorise l’ascension sociale. Paméla, c’est la revanche du peuple. D’autant plus que l’héroïne tient obstinément tête à MB et dénonce ses abus de pouvoir. Il y a du Locke (philosophe anglais qui accorde une place importante à la notion « d’individu ») chez cette jeune fille de 15 ans qui revendique le droit de disposer de sa propre personne.

Vertueuse et/ou stripteaseuse ?

Mais qui est véritablement Paméla ? Parodiée par de nombreux auteurs, citée en exemple lors de sermons édifiants, vouée aux gémonies, considérée par les uns comme un ange de candeur et par les autres comme une intrigante, Paméla ne fait l’unanimité que sur un seul point… personne ne peut résister au plaisir d’en parler ! Au fond, l’héroïne est surtout une adolescente pleine de contradictions bien moins parfaite qu’elle ne le croit et que ne le pensent ses défenseurs mais bien plus innocente que ne l’avouent ses détracteurs. Elle n’est pas sans faire penser, sur le mode du miroir inversé, à l’Angela d’American Beauty (sortie cinéma : 1999).

Et comme dans le film de Sam Mendès, la tension érotique parcourt en filigrane les 480 pages du roman. Au fil de ses missives, Paméla s’effeuille. Elle est une « Belle de lettres » que MB cherche à déshabiller au propre comme au figuré. Le libertinage n’est jamais très loin dans les œuvres du XVIIIème siècle… Ce cocktail littéraire de religion, d’érotisme, de voyeurisme et de littérature sera repris et magnifié 42 ans plus tard dans Les liaisons dangereuses (1782). Si Samuel Richardson a ouvert en grand la porte au roman épistolaire, Choderlos de Laclos en a proposé la version la plus aboutie. Ecrire, c’est séduire et lire risquer d’être séduit. Vous êtes désormais averti(e) !

Anecdote

Quel est le point commun entre Sade et Jane Austen ? Ils étaient tous les deux de grands admirateurs de Richardson. On dit que le titre Justine ou les Malheurs de la vertu (1791) est un clin d’œil ironique à Paméla ou la vertu récompensée. Dans sa jeunesse -hasard ou influence ?- Jane Austen s’est essayée à plusieurs reprises au roman épistolaire.  Quant aux scènes d’Orgueil et préjugés, qui opposent Elizabeth Bennet et Darcy, elles sonnent comme de lointains échos des escarmouches verbales de Paméla et MB. Autres ressemblances : les deux héroïnes ont peu d’inclination pour les pasteurs et les deux héros sont partagés entre leur orgueil et leur attirance pour des jeunes femmes qu’ils considèrent comme socialement inférieures.

Paméla ou la vertu récompensée – Samuel Richardson – Dates d’édition : Angleterre 1740 – Mon édition : 10/18 (2 février 2019) – 480 pages

Le roman épistolaire
en 6 dates

Au XVIIIème siècle le roman épistolaire était tendance. Dans ma bibliothèque, je demande :



Idées lecture

1669
1669
Guilleragues
Lettres Portugaises
1729
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Montesquieu
Lettres Persanes
1740
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Richardson
Paméla ou la vertu récompensée
1747
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Richardson
Histoire de Clarisse Harlowe
1721
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Rousseau
La Nouvelle Héloïse
1782
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Laclos
Les Liaisons Dangereuses

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